Portrait de Delphine Bretesché  © Béatrice Cruveiller

La rencontre,
festin Québec

Résidence d’un mois à Québec, à la Maison de la Littérature de Québec. Mise en place d’un protocole de rencontre avec le territoire et ses habitants : 3 semaines en immersion chez 3 particuliers puis 1 semaine à l’hôtel pour la création. Mise en relation et rencontre à Montréal avec des écrivaines et poètes québécoises grâce au fond de littérature féministe de la Maison de la littérature. Production par la Maison de la littérature d’une soirée performance et littérature. Création du texte Bureau 114, du journal dessiné, création d’une série photographique composée des images rapportées de Québec. Parution prochaine aux éditions Lanskine “La rencontre, festin Québec”.

Performance Vidéo et installation *Mesurer ce qui nous sépare*, avec la poète québécoise Maude Veilleux
Performance Vidéo et installation *Mesurer ce qui nous sépare*, avec la poète québécoise Maude Veilleux

Bureau 114 - Extrait

Marianna

Une femme tombe
Il fait nuit
Un homme la relève
L’homme me fait signe de m’éloigner
Il prend la situation en main
Il demande si ça va
Ça va madame ? Vous avez mal ?
L’homme s’assure une dernière fois
Que tout va bien
Il retourne à l’arrêt de bus
Quand la femme s’est assise il y a eu un craquement
J’ai peut-être rêvé
Ça va elle dit
Elle est de Colombie
J’ai fait dix heures de travail sans m’arrêter. J’ai couru. Je travaille beaucoup. Je fais les ménages. Dix heures. Je dois rentrer pour mon fils. Il a onze ans. Il est petit dans sa tête. À l’accouchement le médecin est allé voir les Lakers versus Germany j’ai accouché toute seule j’ai fait ce que j’ai pu on a vu après il a des problèmes de concentration j’ai fait dix heures sans m’arrêter je lutte je lutte toute ma vie c’est une lutte.
Elle porte des baskets roses un jean des lunettes
Mais je vois mal avec j’ai pas vu le trottoir
Une frange une queue de cheval une cigarette filtre
Un sac à main, les marches du grand hôtel face à l’arrêt de bus
Ses larmes n’arrêtent pas de couler
Tous les jours des fois la nuit je travaille
J’ai fait dix heures sans m’arrêter
Je lutte je lutte toute ma vie c’est une lutte.

Arrêt de bus place d’Youville 9 novembre 2017

Les jambes nues

Le soir
La nuit de 17h
À l’approche de la place d’Youville
La patinoire
La grande horloge
La façade ancienne comme un décor en attente de construction
Une femme traverse
Escarpins noirs talons fins hauts
Ses jambes nues dans la nuit
Elle parle
Ne se soucie absolument pas des plaques de glace
Jambes insouciantes
Légères dans le froid
Me revient cette citation
Les jambes des femmes sont des compas
Qui arpentent le globe terrestre en tous sens
Lui donnant son équilibre et son harmonie
J’ai un collant en laine sous mon jean
Avec des chaussettes bleues épaisses
Dans des bottes fourrées de magasin de sport
Je rajuste mes trois tours d’écharpe en laine
Une fois rentrée chez moi
Je recherche la citation exacte de ce film de Truffaut
Dans le même extrait Charles Denner une gauloise à la bouche
Continue de taper son texte à la machine
Je me suis rendu compte qu’en hiver je suis attiré par les grosses poitrines
Alors qu’en été les poitrines modestes me conviennent parfaitement
Un film français de la grande époque comme le souligne les commentaires.

22 novembre 2017 L’homme qui aimait les femmes François Truffaut 1977