À l’invitation de Cathie Barreau j’ai créé une performance pour l’ouverture des travaux de la maison de Julien Gracq à St Florent le Vieil. Conformément au vœu de l’écrivain dans son testament, sa maison est transformée en un lieu de résidence et de travail pour auteurs et chercheurs.

J’avais besoin de m’imprégner de la maison pour imaginer l’action.
Je suis retournée dans la maison pendant deux jours, pour réaliser l’inventaire dessiné de la maison Julien Gracq, une œuvre de 150x350, réalisée au Rotring.

Au sol, à genoux sur le papier j’ai dessiné des bocaux de prunes à l’eau de vie, une ceinture de femme – sans doute celle de sa sœur Suzanne – de la monnaie en franc, des patins pour le sol, une bouteille d’huile une autre de vinaigre, des seringues restées là après les soins… tout ce qui devait partir à la déchetterie.

J’ai trouvé une vieille boîte d’expédition en carton marquée Damart contenant des dizaines de sachets de graines, datés et nommés. Le titre de la performance : Campanules roses 1959 est tiré d’un de ces sachets. Mon action s’est organisée autour de la découverte de ce carton et des graines, de ce que j’avais ressentie à dessiner sur le sol au contact avec ces objets, et des textes de Julien Gracq.

J’ai fabriqué de petites enveloppes dans lesquelles j’ai glissé différentes graines, inscrit sur chacune des enveloppes les noms, la date de fabrication, et l’heure à laquelle je fermais l’enveloppe. J’ai distribué ces enveloppes au public avant la performance.

Depuis l’intérieur de la maison, après le discours de Cathie Barreau j’ai ouvert les volets, fait résonner dans le village ce son familier des persiennes métalliques, fait entrer la lumière à nouveau dans la maison. Puis, sur le perron j’ai lu le texte que j’avais écrit. Il évoque à la fois l’œuvre de l’écrivain par la citation de passages de son œuvre, l’action de tous pour mener à bien le vœu de cet homme, et la joie d’ouvrir à nouveau la maison.

Nous, les vivants, nous exaucions le vœu du mort. Les officiels en lieu de première pierre ont été invités à semer des graines, installer de petits pieds de lavande, dans un grand bac carré planté d’une campanule rose en fleurs. Le préfet - en riant - a demandé, les mains pleines de terre si la région avait « subventionné ça ? ». Ils ont lavé leurs mains à l’eau de Loire dans l’arrosoir.

Extrait du texte de la lecture performée
(…)
Il est prévu que soit vidée la maison fin juillet 2012. Nous sommes fin juin. Cathie Barreau m’ouvre la maison. Il fait froid. Il fait sombre. Il ne reste rien. Presque. Nous descendons à la cave et là, à mi-étage sur un vieux frigo, une boîte en carton ancien colis de thermolactyl à l’adresse de Louis Poirier. J’ouvre. Des graines. De petites boites d’allumettes toutes datées, de vieilles boîtes de médicaments, une écriture à la plume sur certaine, nommées, datées. Giroflée rose. 1959 - Potiron 1974 - Giroflée mauve 1956 - Ageratum 1974 - Ageratum 1973 - Ray Gras- Gyroflée 1969 - Giroflée rouge 1961 - Petunia rose 1976 - Cyclamen de Perse 1960 - Pois de senteur à grandes fleurs variées – Navet des vertus marteau - Monnaie du pape 1977 - Pois de senteur 1971 - Monnaie du pape 1975 - Reine marguerite très naines roses - Giroflée quarantaine grosse espèce d’hiver en mélange - Lupin - Muflier - Le titre de la performance écrit à la plume Campanules roses 1959. Ce n’est pas de la main de Julien Gracq. Alors qui ? Sa sœur Suzanne ? Je pense au nom de cette plante grimpante « Suzanne aux yeux noirs ».